Ce projet est soutenu par la DRAC, dans le cadre d'un « Jumelages - résidences d’artistes en éducation artistiques, culturelle et numérique », ainsi que par le Conseil Départemental de l'Eure, le collège Jacques Brel et la Cidrerie de Beuzeville
À nos corps dépendants
2020-2021
Collège Jacques Brel de Beuzeville (Eure)
Artistes en résidence (danse et théâtre) : Maxime Bizet, Claire Duchêne, Marie Maucorps et Mathilde Papin
Autres intervenantes pour les élèves de 3ème : Manuella de Albuquerque qui a initié les élèves à la langue des signes française et au chant-signe et a accompagné le projet jusqu’à la restitution ; Louise Canuel qui a composé les musiques de la restitution ; Emmanuelle Laborit, comédienne et autrice née sourde que les élèves ont rencontrée en visio-conférence
Coordination: Marie Maucorps
Après plusieurs années de résidence artistique au sein de la 5ème artistique, Marie Maucorps et les deux professeur·e·s référent·e·s (Rachel Hacout et Arnaud Tihy) ont eu envie de se lancer dans un projet de plus grande envergure, impliquant plus d’élèves, d’enseignant·e·s (notamment Margot Bouette) et aussi des partenaires extérieurs au collège. L’envie était aussi de mêler la danse au théâtre dans le travail de création avec les élèves.
A l’origine, la résidence devait concerner trois classes :
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La classe de 5ème Anthadès, en partenariat avec l'IME Foyer du Grand Lieu (Épaignes) avec des interventions sur l'ensemble de l'année.
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Une classe de 6ème en partenariat avec l'EPHAD de Beuzeville sur un trimestre.
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Une classe de 3ème en partenariat avec Manuella de Albuquerque (professeur LSF) sur un trimestre.
Une thématique commune réunissait ces trois groupes :
le corps et ses limites.
Malheureusement, en raison de la crise sanitaire, il fut impossible d'organiser des rencontres et des temps de travail entre les élèves de 5ème et les résident·e·s de l'IME, et entre les élèves de 6ème et les résident·e·s de l'EPHAD.
Finalement il fut décidé de ne pas associer les 6èmes au projet, d’impliquer davantage les 3èmes à la résidence et de faire écrire les 5èmes sur leurs corps, leurs émotions, leurs sensations.
Au total, 55 élèves impliqués directement dans la résidence.
La matière textuelle de la résidence et des restitutions a été en grande partie écrite par les élèves : tenue d’un journal de leurs corps, autoportraits, anecdotes liées à des sensations fortes, projection dans l’avenir de leurs corps, rêves où leurs corps ont accompli des choses incroyables…
Les élèves ont également lu et travaillé Le cri de la mouette d’Emanuelle Laborit et de nombreux poèmes (de Flora Souchier, Alain Mabanckou, Sylvia Plath, Anna de Noailles, Gaston Miron, Hawad, Adèle Gascuel, Babouillec, Conceição Evaristo, Maya Angelou, Anna Akhmatova, Andrée Chedid et Kitty Tsui).
Ce fut une résidence riche en émotions car malgré les conditions difficiles liées à la crise sanitaire, l'établissement scolaire, les équipes pédagogique et artistique, les élèves et tous les partenaires du projet n'ont eu de cesse de trouver des solutions, des arrangements afin que ce projet aille jusqu'au bout.
Mais encore : l'écho qu'a eu la thématique sur les élèves. Au fil du temps, les élèves ont peu à peu livré leurs histoires, leurs rapports à leurs corps. Il fut beaucoup question de complexes, de harcèlement, de peurs et de blessures... mais aussi d'amitié, de rêves, d'émotions fortes... Les filles pouvaient parler de leurs règles sans avoir honte, les garçons de leurs larmes. Et au-delà des mots, ce sont les corps que nous avons vus se transformer aussi, plus ou moins selon les élèves. Des corps qui osent se tenir droit, qui osent danser, qui respirent ensemble.
Restitutions
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Brigades d'interventions poétiques jouées dans les classes par les 5ème au printemps 2021.
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Restitution des 3èmes jouée à la Cidrerie le 4 juin 2021 devant leurs parents.
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Restitution des 5èmes jouée 4 fois à la Cidrerie les 15 et 16 juin 2021 devant d’autres élèves et devant leurs parents.
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Projection de la captation de la restitution des 3èmes devant d'autres classes le 30 juin 2021.
Autoportrait d'Elouan, élève de 3ème
"Je ne suis guère différent des autres. Deux bras, deux jambes. C’est justement ce que je trouve bizarre avec moi. Certes, je suis comme les autres de loin, mais seulement de loin. De près, on voit mes défauts. Tout d’abord je suis grassouillet. Je suis aussi cambré et manque d’exercice physique. Ma taille n’est pas grande. Pour les autres de ma classe, je suis plutôt petit, mais pour ma famille, je suis plutôt grand. Ma cambrure me donne l’impression d’avoir un très gros fessier. Sans vouloir être vulgaire, mon visage a beaucoup de défauts liés à l’adolescence, donc je m’y fait même si je suis un vrai clavier sur un corps et ma voix ressemble à un instrument désaccordé et puis ma taille ne fait que de changer : un jour 1m45, l’autre 1m50 et un autre 1m40. Mon corps est tellement étrange que même mes yeux s’y sont mis. Ils vibrent quand je pense à quelque chose qui m’énerve ou quand quelque chose m’énerve. Ma peau est résistante à la douleur mais se blesse trop facilement."
L'histoire du corps à venir de Lorena, élève de 3ème
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"A 18 ans, je mange du dromadaire rôti pour la première fois.
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A 21 ans, je me fais attaquer par un Ewok et j’ai une cicatrice au petit doigt de pied.
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A partir de 40 ans, ma peau devient verte chaque jeudi.
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A 64 ans, je perds mes deux parents.
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A 178 ans, j’ai mon premier cheveux blanc.
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A 200 ans, mon corps se décompose dans ma tombe."
Le rêve d'Amy, élève de 5ème
"J’ai rêvé que je dansais sous l’eau et que je n’avais plus de chambre. Il y avait des plumes sur ma robe, j’avais aussi un bec et l’eau était rouge… et j’ai senti que mon cœur s’en allait. C’était mon grand-père qui me l’avait pris et il s’en alla avec. Étonnamment j’étais en vie j’avais quand même le cœur plein."
Histoire d'Aaron, élève de 5ème
"J’étais dans la rue, mes amis étaient partis (je me rappelle plus pourquoi). Une personne me suivait depuis un moment. La personne était de plus en plus rapide, j’avais peur. A un moment, j’ai senti une présence autour de moi, c’était tout mon groupe d’amis qui m’avait vu au loin et qui avaient remarqué que j’avais peur. J’avais confiance en eux, je me sentais en sécurité."